Le père Charles de Foucauld n’y a vécu que cinq mois en 1911, mais le plateau de l’Assekrem, au cœur du Sahara dans le Hoggar, est une étape très appréciée, un «must» pour les fanatiques du désert. Revenus nombreux pour la saison hivernale qui s’achève, les amateurs d’espaces désertiques et de paysages hors du commun passent voir les frères Édouard et Alain qui y perpétuent le souvenir du fondateur de l’ordre des Petits frères de Jésus, mort en 1916 à Tamanrasset, assassiné par des pillards, après avoir vécu près de quinze ans dans le Sahara. Accroché sur le bord sud du vaste plateau, culminant à 2 800 mètres, l’ermitage du père De Foucauld attire de plus en plus les touristes venant ou se dirigeant vers Tamanrasset, la capitale du grand sud algérien, à 80 kilomètres à l’ouest.

Chaque jour, des randonneurs arrivent à pied, en voiture ou à dromadaire pour admirer de l’Assekrem le coucher ou le lever du soleil éclairant la forêt de pics en forme d’orgues et les monts de pierres arasées noires ou ocres que l’on peut admirer à plus d’une centaine de kilomètres à la ronde. Le rite est bien établi, les visiteurs, parfois jusqu’à quelques dizaines, arrivent en fin d’après-midi. Ils montent en ahanant pendant près d’une demi-heure sur un sentier tracé dans la caillasse par les frères pour admirer le couchant derrière le Tahat, le plus haut sommet de l’Algérie culminant à près de 3 000 mètres à quelques encablures de l’Assekrem. Domaine réservé Après une nuit dans un refuge ou à la belle étoile au pied de la falaise du plateau, ils remontent à nouveau au petit jour, engourdis et grelottants – la température est d’environ 5 degrés Celsius à ce moment de la journée – pour voir le lever. Bien que très accueillants, les frères n’acceptent pas que l’on bivouaque sur le plateau, sauf lorsqu’il s’agit de faire une retraite.

Les pèlerins, installés dans de petits ermitages, partagent alors la vie de prière des deux frères. Le plateau de l’Assekrem est en effet leur domaine réservé. Frère Édouard y vit depuis 1972 et frère Alain depuis 1982. Ils en ont été absents pour une brève période de 15 mois en 1996 et 1997 quand les violences des islamistes armés, qui n’ont jamais affecté le grand sud, avaient atteint leur apogée dans le nord de l’Algérie. «On tient à rester discrets», souligne frère Édouard, arrivé en Algérie l’été 1954. Ils tiennent aussi à préserver l’engagement de leur foi qui est essentiellement un engagement de prière et de méditation de jour comme de nuit. Toutefois, les visiteurs peuvent assister à la messe dite chaque matin par frère Édouard dans la petite chapelle du père de Foucauld, plantée à l’est du plateau. «Un office dans un endroit pareil, c’est un contact encore plus proche avec Dieu, je n’avais jamais ressenti un tel sentiment dans aucune autre église», a confié aux journalistes une touriste italienne de Bologne. À l’instar de quelques heureux visiteurs, elle et ses trois compagnons de méharée ont eu droit à un thé, sans menthe, avec les frères sur la petite terrasse en contrebas d’où on peut «surveiller» la piste automobile venant de Tamanrasset